I
Le soir, où traîne éparse au vent l'âme des roses,
Baigne d'or le feuillage et les lointains flottants ;
Le faîte du palais s'éclaire de feux roses,
Une vitre frappée en a frémi longtemps.
La Gloire fatiguée au marbre se repose,
Mais troublant le silence, il semble, par instants,
Qu'à travers les massifs où pleure quelque chose.
Un long sanglot d'adieu s'élève des étangs.
Tant de pompe étalée à l'ombre de la feuille,
Par ce lent crépuscule, humblement se recueille.
La dernière lueur agonise aux vitraux,
Et l'importune nuit, hâtant l'œuvre du lierre,
Des eaux venue, efface, en montant sur la pierre,.
L'image de la Grâce et le nom des héros.
IV
Au premier carrefour où finit la charmille,
S'attriste infiniment le marbre du bassin.
Et l'onde s'en est toute échappée à dessein,
Laissant à nu le fond rose de la coquille.
L'herbe y pousse, suivant un fantasque dessin,
Aux pierres, lentement disjointes, la morille,
Se gonfle succulente à la façon d'un sein.
Et la reine des prés s'y mêle à la jonquille.
A distendre sa gueule, en vain, le mascaron
S'essouffle, il n'en peut rien tirer que le silence.
Et de là vient l'ennui qui lui ride le front.
Mais Zéphyre imitant, pour lui plaire, la voix
Des eaux dont il s'efforce à réparer l'absence.
Eveille un bruit de houle en l'épaisseur des bois.
VII
L'air est tiède. Un soleil joyeux joue à travers
Les vieux ormes touffus et, la tête inclinée,
La déesse regarde à ses seins découverts,
Une dentelle d'or et d'ombre promenée.
Sur son épaule nue ont pleuré tant d'hivers
Que par endroits, sa pierre en est toute écornée,
Sa cuisse lutte en vain contre une herbe obstinée,
Sa guirlande effondrée emplit les gazons verts.
Mais les fleurs, que le vent mêle à sa chevelure,
Le bruit des nids, le frais parfum de la ramure,
Le soleil, la chanson de l'eau sur les graviers,
Tout s'emploie à lui faire oublier son dommage
Et, comme pour lui rendre un plus sensible hommage,
Deux pigeons amoureux se baisent à ses pieds.
IX
Avec les panneaux blancs qui portent sur leur face
Les armes de l'Amour et les jeux d'Apollon,
tDe qui reste aujourd'hui de l'antique salon
Tressaille au bruit d'un pas désert sur la terrasse.
Une forme indécise a bougé dans la glace,
Une ombre a remué à l'angle du plafond,
Et la dauphine assise a relevé le front
Vers la haute fenêtre où le faune grimace.
Dans le grand lustre une étincelle a pétillé,
L'épinette a gémi, le plancher a crié,
Un coup de vent venu de la porte entrouverte
A dispersé la cendre éparse d'autrefois,
Et près des longs rideaux que baigne une ombre verte,
On dirait que quelqu'un s'est plaint à demi-voix.